L’éco-anxiété étant un terme valise qui inclue une variété de ressentis, il catalyse les regards depuis quelques années. Il permet en effet à un nombre croissant de personnes de poser des mots sur leur état de détresse psychologique. Mais de quoi s’agit-il exactement ?  Formulée pour la première fois en 1997 par la chercheuse en santé Véronique Lepaige, l’éco-anxiété englobe les réactions émotionnelles et comportementales provoquées par les menaces que sont le dérèglement climatique, l’effondrement de la biodiversité et le dépassement des limites planétaires.

Quels sont les symptômes ?

 

Les ressentis évoqués par les individus en souffrant sont entre autres la peur d’un péril bien réel, l’angoisse face à un avenir incertain, la colère contre l’inaction des décideur‧euse‧s politiques, l’impuissance face à l’ampleur des phénomènes et le deuil d’un environnement et de conditions de vie à jamais détériorées (appelé « solastalgie » selon l’expression du chercheur Glenn Albrecht).

Pour la psychologue Susan Clayton, prendre conscience de ces bouleversements revient à ébranler une partie de son identité, celle qui est liée à son environnement. En effet, ces changements rapides et en partie irréversibles confrontent la personne à la perte et au deuil des écosystèmes naturels, qu’on peut assimiler à un « chez soi » désormais inatteignable.

L’incertitude comme facteur aggravant

 

Certes, les conséquences du changement climatique sont dès aujourd’hui perceptibles au travers des canicules, des sécheresses ou des feux de forêts notamment. Il demeure que sans volonté politique forte pour opérer la transition et ainsi prévenir de nouvelles détériorations et adapter nos sociétés aux impacts que l’on ne peut éviter, nous nous risquons à affronter des dommages dont l’ampleur reste floue. Cette incertitude participe à l’intensité de l’éco-anxiété.

L’éco-anxiété, entre état pathologique et réaction logique

 

L’anxiété dans sa forme pathologique fait référence à une peur, une inquiétude ou une crainte irrationnelles et chroniques pouvant se présenter sans stimuli extérieurs. Attention donc à ne pas pathologiser l’éco-anxiété, qui, par définition, ne correspond pas à cette catégorie. Face à une menace climatique et environnementale qui pèse sur nos conditions d’existence présentes et futures, ressentir ces émotions désagréables apparait comme une preuve de clairvoyance. Cela explique pourquoi les plus jeunes, qui sont les plus concerné‧e‧s par les conséquence du changement climatique, sont les plus touché‧e‧s par cette condition.

En parler, la première étape pour se soulager

 

Pour diminuer l’intensité de la détresse psychique, il est essentiel d’extérioriser ses tourments. Parler à ses proches, à des personnes expérimentant les mêmes états d’âmes, ou à des professionnel‧le‧s de santé mentale peut être une des solutions les plus efficaces. De plus en plus de personnes étant touchées, chacun‧e s’apercevra rapidement qu’il est possible de se confier et être compris‧e par un‧e membre de son entourage. En posant des mots sur ses ressentis, il devient plus facile de les apprivoiser et ainsi ne plus les subir.

Pour cela, de nombreuses associations ou mouvements se spécialisent dans la prise en charge spécifique de l’éco-anxiété en organisant des cercles d’accueil des émotions, à l’image d’Extinction Rebellion. Également, l’association RAFFUE rassemble un réseau de professionnel‧le‧s de la santé mentale étant capables de prendre en charge l’éco-anxiété et la solastalgie.

A ne pas oublier, 8 séances de psychothérapie par an sont désormais remboursées par la Sécurité Sociale grâce à MonParcourspsy. Certaines mutuelles permettent également la prise en charge totale ou partielle de ces soins.

Ces initiatives, en plus d’aider la personne en souffrance, permettent aussi de sortir d’une inertie collective et de d’accélérer la transition écologique et sociale.

L’action face à l’immobilisme et le déni

 

L’être humain peut réagir de différentes manières à la menace : on peut citer la paralysie, la fuite ou le combat. L’éco-anxiété peut en effet tout d’abord causer un immobilisme qui est naturel, mais qui ne permet pas d’évolution positive sur le long terme.

C’est pourquoi l’action est recommandée pour mettre un sens sur son mal-être. Participer à son échelle à la transition écologique et sociale permet de faire de son éco-anxiété un moteur du changement. La personne reprend alors une partie du contrôle et du pouvoir dont elle se sent dépossédée face à la menace du changement climatique et de l’effondrement de la biodiversité.

S’engager bénévolement dans une association ou un mouvement de protection de l’environnement, modifier certaines habitudes de vie et de consommation, ou bien faire de la transition écologique le cœur de son parcours académique et/ou professionel sont autant de manières de faire de son éco-anxiété une force. Ces actions permettent à chacun‧e de retrouver une lueur d’espoir, et contribuent plus largement à une nouvelle manière de faire société.

Pour aller plus loin :

➜ Liste de lecture « De l’éco-anxiété à l’éco-colère : la vie psychique face à la crise climatique  » sur Cairn